Notre combat contre la loi Travail n’est pas fini
Vous ferez meeting commun mercredi avec Philippe Martinez. C’est un rapprochement entre FO et la CGT ?
JEAN-CLAUDE MAILLY. J’ai répondu à l’invitation lancée par l’union départementale FO de Loire-Atlantique, comme les sept responsables d’organisations étudiantes, lycéennes et de salariés qui ont également été conviés à Nantes pour un meeting commun sur la loi Travail. Nous sommes dans une unité d’action. Ce n’est pas parce que cette loi est passée avec le 49-3 cet été que c’est fini. Nous appelons le 15 septembre à une nouvelle journée de mobilisation dans une quarantaine de villes.
N’est-ce pas la manif de trop ?
Non. Cette date avait été arrêtée dès le début de l’été. Les camarades ont levé le pied à juste titre après les attentats de Nice. L’objectif est de montrer qu’on ne laisse pas tomber, même s’il y aura moins de monde qu’il n’y en a eu. Et cela ne veut pas dire qu’après le 15 septembre, il y aura encore des manifs. Maintenant, il va y avoir une bataille juridique à mener.
Vous voulez jouer la montre pour empêcher l’application de la loi ?
Le gouvernement a jusqu’à la fin de l’année pour rédiger les 134 décrets. Nos services juridiques travaillent d’arrache-pied pour trouver les axes de recours. Il n’est jamais trop tard.
On vous annonce à la Fête de l’Huma, samedi 10 septembre. Avec les communistes, c’est la lune de miel ?
J’y serai pour participer à un débat sur le dialogue social et la loi Travail. C’est effectivement la première fois qu’un secrétaire général de FO y participe. Cela ne me pose aucun problème.
Et à vos militants ?
Je n’exclus pas que certains se demandent ce que je vais faire là-bas, mais à partir du moment où l’on a des convictions et que les choses sont claires, on peut aller débattre partout. Il y a quelques années, j’ai participé à l’université d’été du Medef. Là, ça change, je vais à la Fête de l’Huma.
Vous parlez du Medef. Pour Manuel Valls, depuis la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), les entreprises ont joué le jeu. Qu’en pensez-vous ?
Je rappelle que sur trois ans, le pacte de responsabilité et le CICE, cela représente au total plus de 100 Mds€ de réductions accordées aux entreprises. Et nous n’avons pas eu un million d’emplois, loin de là, malgré le slogan du Medef et de son président Pierre Gattaz : « Un million d’emplois contre 100 milliards ». Et maintenant, il nous fait le coup des deux millions d’emplois ! Celui qui a menti, ce n’est pas le Medef, mais le président de la République et son Premier ministre. Ils ont fait miroiter des emplois aux Français alors qu’ils n’avaient exigé aucune contrepartie du patronat.
Pourtant, le taux de chômage s’améliore. Leur politique porte donc ses fruits ?
Non, on est dans une phase de stabilisation, mais la précarité augmente considérablement. Il n’y a pas assez de croissance. D’où le forcing fait par le gouvernement sur Pôle emploi pour atteindre l’objectif de 500 000 chômeurs en formation d’ici la fin de l’année. Encore faut-il qu’ils retrouvent ensuite un travail. L’inversion de la courbe, ce sera vrai le jour où cela se fera grâce à de véritables créations d’emploi.
Le départ du gouvernement d’Emmanuel Macron fait la une. Sage décision ou trahison ?
C’est à lui et à François Hollande d’en juger. Mais cette démission n’est pas une surprise. Il y a un moment que je n’ai plus de contacts avec Emmanuel Macron. Depuis plusieurs mois, il était plus préoccupé par son mouvement que par son poste de ministre. Des rendez-vous étaient annulés et pas reprogrammés, par exemple sur le dossier de la centrale nucléaire de Hinkley Point. Il a annulé et n’a pas repris contact.
Quel bilan tirez-vous de son action ?
Un bilan plus que mitigé. Tout le monde parle de la libéralisation des autobus, mais à entendre les dirigeants de ce secteur, si leur chiffre d’affaires a augmenté, c’est davantage grâce aux grèves de train qu’à la loi. En fait, Emmanuel Macron était beaucoup plus influent en tant que conseiller et secrétaire général adjoint de l’Elysée ou sur des dossiers qui ne le concernaient pas. Les licenciements économiques dans la loi Travail, c’est lui. Le pacte de responsabilité, c’est lui, inspiré par Pierre Gattaz. Macron a été une courroie de transmission du Medef.
Quels sont vos rapports avec le Premier ministre ?
Je n’ai pas eu de contacts avec lui depuis fin juin. Il peut m’appeler, il a mon téléphone.
Et avec l’Elysée ?
Pour quoi faire ? Je rappelle que, pendant le conflit sur la loi Travail, j’ai vu trois fois François Hollande. Je considère que cela n’a servi à rien.
Pendant le conflit sur la loi Travail, vous avez déclaré publiquement être encarté au PS. Vous le regrettez ?
Dès mon élection à la tête de FO, j’ai dit que j’étais au PS, même si je n’y milite pas. Je ne l’ai jamais caché, pas plus que mon amitié avec Martine Aubry. Heureusement qu’il reste des socialistes !
La campagne présidentielle a déjà commencé. Qu’en attendez-vous ?
Force ouvrière ne prendra pas position mais j’espère que les questions sociales, économiques et européennes vont revenir au cœur du débat. Il ne doit pas tourner exclusivement sur la sécurité et toutes les variantes possibles de la laïcité. On ne va pas faire la campagne sur le burkini ! Cela ne ferait que renforcer la défiance des Français à l’égard des politiques. Ils sont inquiets en priorité pour leur emploi et leur pouvoir d’achat.
Propos Recueillis Par Catherine Gasté - Interview pour Le Parisien du 5 septembre 2016
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